Paris, le 3 novembre 2013……
L’année du Centenaire de la Grande guerre va débuter, déjà les émissions se font plus nombreuses en France et les poncifs reviennent en force. Le terme de « boucherie » ressort si souvent que l’on peut se demander si certains ne veulent pas réduire cette guerre hors du commun à ce qualificatif. Évidemment les mêmes en profitent pour tirer dans le dos de ceux qui commandaient à l’époque au point que l’on devrait finir par croire que les généraux allemands devaient être particulièrement nuls pour ne pas avoir vaincu une nation plus petite même aidée par les britanniques ! Le problème des fusillés occupe l’espace médiatique au-delà du compréhensible.
Fin octobre, un dimanche, j’ai visité en Pologne le camp de Majdanek où vécurent et moururent soldats, résistants et juifs polonais. J’ai vu entre cent et deux cents jeunes israéliens, drapeaux d’Israël au vent, arpenter lentement les longues avenues du camp longeant des baraquements et des miradors. Dans leurs yeux et sur leurs visages se lisaient plus la nécessité de devoir défendre leur pays que la compassion pour leurs aïeux si respectés. Le lendemain à Varsovie, au musée de l’insurrection, c’étaient des dizaines de collégiens avec leurs professeurs qui apprenaient avec respect et admiration l’histoire de leur ville et celle de ceux qui luttèrent jusqu’au bout.
Les uns et les autres m’ont rappelé ces cars de jeunes britanniques arrêtés non loin des nombreux cimetières de la Somme et du Nord de la France. Je m’étais fait la réflexion, il y a moins de dix ans, qu’anglais, canadiens, australiens donnaient un sens profond au sacrifice de leurs anciens en terre française. J’avais été déçu un peu plus tard à la cote 104, au Mort-Homme, aux Eparges, à Fleury, à Douaumont et même à Dachau, où fut exécuté le général Delestraint, de ne pas croiser plus de jeunes français, avec leurs parents ou encadrés par leurs professeurs, à la découverte d’une vision de l’histoire pourtant si facile à présenter.
L’année du centenaire ne doit pas être celle des lamentations mais celle de réflexions sur le sens du devoir dès lors que l’on fait partie d’un pays, d’une communauté nationale. Cette guerre ne fut pas la guerre «la plus idiote» comme la qualifiait un quidam patenté d’un média, mais une guerre de légitime défense se déroulant sur notre sol. Il serait bon de s’arrêter sur le respect du à cette génération qui a tout donné pour la liberté de notre pays et a souffert pour que le dernier mot ne soit pas laissé à nos ennemis d’alors.
Dans cette guerre d’une infinie dureté trop d’hommes ont souffert pour que leur sacrifice soit rabaissé, ravalé, méprisé en fin de compte. Si les historiens ont une mission c’est d’abord de veiller à ce que l’histoire ne soit pas réécrite sous le prisme d’idéologies du XXI siècle. Si les chefs militaires de maintenant ont un rôle c’est celui de ne pas tolérer que les hommes et les chefs de cette Grande guerre soient jetés dans les fossés nauséabonds choisis par les petits commis du « tous pourris » ; trop laisser dire serait saper les fondements de notre société française. S’il y a une attente vis-à-vis des hommes politiques, c’est qu’ils expriment le respect du à des hommes comme Clemenceau, des généraux comme Joffre et Foch et aux millions de soldats Français qui ont fait leur devoir. La Patrie a été reconnaissante après la Grande guerre, quelle injustice, quelle déchéance si elle ne l’était plus un siècle plus tard.
A l’occasion de l’année du centenaire les « gardes rouges de l’idiotie compassionnelle », suivant l’expression d’Alain Finkielkraut, ne doivent pas imposer leur « politiquement correct ». Il faut, c’est en tout cas mon souhait, qu’historiens, chefs militaires et hommes politiques n’aient pas peur. La France est belle et encore assez grande, nous le devons à ces hommes de 14-18. Ne laissons pas Polonais, Israéliens, Britanniques et tant d’autres nous rappeler dans un leitmotiv éternel que la compassion c’est bien, mais que le respect pour ceux qui ont fait « leur devoir » est plus important pour la survie d’une société. La compassion accompagne les douleurs, elle a donc seulement sa place entre et pour des survivants.
Depuis 5 ans le dernier poilu a disparu il nous reste à nous arrêter sur le sens du devoir et à exprimer le respect du à ces générations engagées jusqu’au sacrifice pour notre Patrie.
Général de corps d'armée (2s) Dominique DELORT
Président de la Saint-Cyrienne